Anvers, Églises et Tourisme
Pastorale du Tourisme, Diocèse d’Anvers (TOPA vzw)

La cathédrale Notre-Dame d’Anvers, une révélation.

La mort n’a quand même pas le dernier mot: les tombes

Cathédrale d’Anvers – dalle funéraire d'un homme et de ses 3 épouses (MD)
Cathédrale d’Anvers – dalle funéraire d'un couple et de leurs 3 filles (MD)
Cathédrale d’Anvers – dalle funéraire d'un couple (MD)

Avec leurs pierres tombales en pierre de taille, les défunts ont contribué à la stabilité du sol de l’église jusqu’au 18e siècle. Mais depuis que tant de personnes fréquentent l’église, les ravages du temps ont érodé de nombreuses pierres tombales. Plusieurs ont en plus disparu, principalement du fait que le sol, qui avait été enlevé pour être vendu pendant la période d’occupation française, a été remis en place en 1800, avant la réouverture de l’église. De nombreuses pierres tombales ont été retaillées pour s’adapter au pavage autour des piliers. En raison de la démolition des autels, il y avait trop de vide, qui a été rempli par l’apport des pierres tombales de l’ancienne abbaye Saint-Michel.

La plus ancienne pierre tombale, emmurée par mesure de précaution dans la salle capitulaire, appartient à une dame : Katelijne († 1307). Parmi ceux qui ne peuvent plus compter sur une gloire éternelle parce que leur pierre tombale a disparu ou a été effacée, on trouve les parents d’Anthony van Dyck, et le Florentin Ludovico Guicciardini († 1589), à qui l’on doit une historiographie populaire des Pays-Bas. On ne trouve pas non plus le nom du peintre Erasmus II Quellinus († 1678), qui, comme sa femme, a été enterré anonymement dans la tombe de son oncle, le chanoine De Hemelaar, pourtant conservée dans la nef sud. De nombreuses pierres tombales, notamment dans le déambulatoire, sont trompeuses car elles proviennent de l’ancienne abbaye de Saint-Michel : vous chercheriez ici en vain la tombe du dénommé. Ainsi, vous pouvez lire les noms, entre autres, du célèbre géographe et cartographe Abraham Ortelius († 1598 ・ marches du chœur sud), du peintre Jan Wildens († 1653 ・ collatéral central nord, à côté de la tour), et de Jan Brandt et Clara de Moy, les beaux-parents de Pieter Paul Rubens (marches du chœur nord). C’est avec piété que nous évoquons un homme qui a survécu trois fois à sa femme, à savoir en 1707, 1714 et 1726, et qui a passé près de 30 ans de sa vie comme triple veuf : Jan Baptist de Bruyn († 1754), de messager de la ville de par sa profession (collatéral nord).

Les pierres tombales présentent toutes un patron identique. En haut, figure l’inscription « D.O.M. », abréviation de Deo Optimo Maximo : pour le Dieu bon et omnipotent. Selon le schéma classique des rôles, l’homme est mentionné en premier, parfois avec l’indication de sa profession, suivi de l’épouse : « syne huysvrouwe ». Bien qu’elles ne travaillent à l’extérieur, on peut dire que les femmes se consacrent alors non seulement aux humbles tâches domestiques, mais qu’elles tiennent le ménage au sens large du terme : « économie » ou gestion. En outre, elles se consacrent à l’éducation des enfants. En bas, il y a soit le souhait exprimé « R.I.P. ». (requiescant in pace – qu’ils reposent en paix) ou l’exhortation « B.V.D.S. » (bid voor deze zielen). (priez pour ces âmes). Ce repos et cette paix semblent maintenant un peu trop ennuyeux, mais il faut comprendre cela comme : libéré de la peur et des soucis.

Dès le XVIIe siècle, des voix s’élèvent pour réclamer plus de ventilation dans l’église. L’odeur des morts libérée lors de la réouverture des tombes pour accueillir les membres de la famille n’y est certainement pas étrangère. Suite à l’interdiction par l’empereur Joseph II des enterrements dans les églises et les villes en 1784, les paroissiens ont dû se rendre dans les nouveaux cimetières de Stuivenberg et du Kiel pour la dernière demeure de leurs proches. Depuis des temps immémoriaux, les citoyens anversois décédés reposaient au centre de leur ville et au milieu de la vie quotidienne ; désormais, ils seront enterrés loin des murs de la ville. Un bouleversement émotionnel. En outre, le décret a privé l’église de l’une des plus importantes sources de monuments commémoratifs. Au XIXe siècle, le souvenir des défunts a pris une nouvelle forme dans l’église grâce à la donation de vitraux.

Les travaux de restauration effectués entre 1973 et 1993 ont permis de mettre au jour divers objets : fondations et fragments de sculpture, pelotes de réjection de chouettes, squelettes de rats et de chauves-souris, jusqu’à un puits. Des centaines de squelettes et d’ustensiles ont été mis au jour, notamment des restes de vêtements, des boutons et des épingles, des croix et des médailles, des pièces de monnaie et des pipes en terre, des peignes et un set de manucure : un témoignage silencieux de la vie qui est passée par ici sous toutes ses facettes.

Cathédrale d’Anvers – L’épitaphe de Christophe Plantin & Jeanne Rivière (MD)

‘Le siècle d’or’ d’Anvers attira, ainsi que bien d’autres, le couple Plantin-Rivière pour y faire fortune. Une blessure à l’épaule encourue lors d’une agression, force Christophe Plantin à changer de métier.  De maroquinier il devient fondeur de caractères et imprimeur. Ce qui lui réussit pleinement. Son talent l’amène même à être nommé archi-typographe du roi d’Espagne.

Son hôtel meublé de son mobilier d’origine ensemble avec l’imprimerie contenant encore son matériel d’imprimeur forment à Anvers un musée historique important, classé patrimoine mondial par l’Unesco.  Renommé, il décède en 1589.  Une sépulture lui est réservée dans le déambulatoire de l’église de sa paroisse   Pour suivre la tendance du moment, son épitaphe prend la forme d’un tableau en forme de triptyque.

Les panneaux intérieurs :
portrait des conjoints et de leurs enfants

Christophe Plantin et son fils Christophe, décédé en bas-âge, se trouvent sur le panneau de gauche mais par rapport au Christ du panneau central, ils sont à Sa droite, à la place d’honneur, ainsi le veut la hiérarchie sociale. Agenouillés sur un prie-Dieu, tapissé de vert, les mains jointes tendues vers le Jugement Dernier du panneau central, les époux sont soutenus par leur patron réciproque, les saints Christophe et Jean-Baptiste Sur le livre (imprimé) ouvert sur le prie-Dieu de Plantin, on peut lire la date “anno 1591”. Jeanne Rivière est accompagnée de ses cinq filles ainsi que d’une petite fille, morte en bas-âge.

Comme son époux et père, les dames sont vêtues de noir ainsi que d’une fraise en dentelles.

Les panneaux extérieurs :
les saints patrons du couple

Ces grisailles sont d’une qualité exceptionnelle : le trait en est net, détaillé et grâce à la perspective d’un modelé extraordinaire et par surcroît créant une dynamique exceptionnelle.

Au-dessus de l’épitaphe (la copie) resplendit la devise de Plantin : “LABORE ET CONSTANTIA” (par le Travail et la Persévérance) symbolisé par leur emblème, un compas au bras fixe, l’autre est mobile. En y faisant allusion, Justus Lipsius rend hommage au fondateur de l’imprimerie de renommée mondiale.

PIETATE, PRUDENTIA, ACRIMONIA INGENII MAGNO,
grand par sa dévotion, sa prudence et son génie sévère,

CONSTANTIA AC LABORE MAXIMO ;
grand avant tout par ses œuvres et sa persévérance,

CUJUS INDUSTRIA ATQUE OPERA, INFINITA OPERA,
qui par ses soins et son assiduité, d’innombrables ouvrages,

VETERA, NOVA,
anciens et modernes,

MAGNO ET HUJUS ET FUTURI SÆCULI BONO
au grand avantage des siècles présent et à venir,

IN LUCEM PRODIERUNT
a fait voir le jour.

Le panneau central : Le Jugement Dernier

Jacobus De Backer schilderde dit tafereel ca. 1580. Christus troont in de wolken, gezeten op de vier evangelistensymbolen, dat aangekondigd wordt door drie bazuinblazende engelen. In de hemelse hofhouding, herkennen we onder meer Johannes de Doper en Maria beiden als bemiddelaars rechts van Jezus. Op aarde, zowel op het voor-, midden- als op het achterplan, treden de doden uit het graf en worden erna onmiddellijk van elkaar gescheiden. De gelukzaligen vliegen iconografisch rechts van Christus hemelwaarts, waar ze verwelkomd worden door een engel met een olijftak, symbool van vrede en geluk. De verdoemden, links van Christus worden zeer tegen hun wil door duivels met dierentronies op soms wrede wijze ontvoerd naar de vuurpoel van de hel. Sommige verdoemden trachten tevergeefs de hemel in te geraken: ze worden door een engel met het zwaard teruggeslagen en door duivels hellewaarts neergetrokken. Omdat het Oordeel streng maar rechtvaardig is, vraagt de familie om gebed als geestelijke steun, ‘een duwtje in de rug’: Tu qui transis, et haec legis, bonis manibus / bene apprecare (Gij die hier voorbijgaat en dit leest, gedenk met gevouwen handen [al biddend] het goede [dat ze verricht hebben]).

En 1794 le tableau est transporté à Paris par les Français, mais rapatrié en 1816.  L’inscription ajoutée rappelle l’initiative de la famille Moretus qui a réédifié le monument (en marbre blanc), couronné d’un médaillon peint par Jacob Herreyns représentant le portrait de Christophe Plantin.

Cathédrale d’Anvers – L’épitaphe de Mgr. Marius Ambrosius Capello (WS)

À titre tout à fait exceptionnel se trouve dans la cathédrale un second monument funéraire en marbre pour l’évêque Capello. Sa générosité le caractérisait tant de son vivant (in vita) que dans ses dispositions testamentaire (et in morte) En effet il nommait les déshérites comme ses seuls héritiers. En remerciement de ses dons généreux en faveur des  pauvres, les aumôniers en fonction pendant l’année de son décès (1676) font encore ériger par Hendrik Frans Verbrugghen ou Artus II Quellinus une épitaphe juste au-dessus du comptoir des Aumôniers du Saint Esprit situé au pied de la tour sud, la soi-disant « Table du Saint-Esprit », où se tenait la distribution aux pauvres.

Du sarcophage, le défunt relève le torse comme si le corps, déjà en décomposition, s’animait à nouveau. Les orbites sont enfoncées, le visage s’est ratatiné tendant la peau sur les os.  L’évêque qui vient de par-dessous le liceul noir drapé tout autour de la tombe accentue encore l’effet théâtral. Sur la gauche, au pied du sarcophage, un putto affligé  qui traditionnellement se trouve sur une tombe, est effrayé par cette apparition soudaine. De sa main gauche, Capello tient le linceul sur le bord du sarcophage tout en pointant sa main droite vers son portrait officiel en buste [le doigt de l’index est brisé] qui est emporté triomphalement au ciel. Est-ce un memento mori, voulant dire autant que : « C’est ainsi que j’étais à mon heure de gloire », ou, très conscient, les aumôniers veulent-ils indiquer comment espérer « gagner » son ciel ? Ce portrait, un médaillon en relief réalisé post mortem, est l’un des cinq portraits sculptés de Capello! Ce médaillon ovale est encadré d’une guirlande de feuilles de laurier et couronné par la mitre de l’évêque, flanquée de sa crosse d’évêque qui se croise avec une branche d’olivier, aujourd’hui disparue. En une véritable apothéose, les deux anges jouant de la trompette et un putto portent le médaillon vers le ciel. De plus, une torche inversée apparaissait à l’origine comme symbole de la mort.

Le texte sur le grand phylactère, suspendu au bord du sarcophage, honore le généreux donateur « en tant qu’archi-aumônier », ce qui en dit suffisamment. En-dessous du sarcophage, deux putti portent les armoiries de l’évêque, couronnées par un chapeau, signe héraldique d’un évêque. Le chapeau rouge qui ici fait allusion à son nom « Capello » (Chapeau), n’est cependant pas le signe héraldique d’un évêque, mais bien celui d’un archevêque. Une trace d’ambition ?

Dans le sillage du célèbre maître baroque italien Bernini, le marbre rouge veiné est employé pour le tombeau, le marbre noir pour les draperies et le marbre blanc pour les personnages.

Cathédrale d’Anvers – L’épitaphe de la famille van Delft (WS)

Cet épitaphe mural monumental était à l’origine accroché dans le chœur de l’église Saint-George. Ce chef-d’œuvre du baroque tardif du sculpteur Peter I Scheemaeckers, datant de 1688, a été épargné grâce à sa sélection par les Français pour le musée local.

Il est surprenant de voir combien de dictons sont représentés ici. Un jeune homme mondain se tient debout, une jambe dans la tombe, faisant face à la mort. La Mort fait la grimace et le tire par la manche : « Vien ici, toi ! ». L’homme tente d’échapper à la mort, mais en vain. Même s’il se rebelle, dernière heure est venue. Le même message percutant est transmis par le Temps, alias Chronos, au sommet, qui d’une main retient le rideau de la scène principale. Que « le temps passe » est symbolisé par la longue barbe et les ailes du vieil homme. Il présente au jeune homme l’impitoyable sablier et était à l’origine en plaus armé d’une faux. Le Temps éclipse toute gloire terrestre : toute forme de pouvoir et de prestige, qu’il soit civil, militaire, clérical ou intellectuel, ainsi que celui de l’artiste, sous la forme respectivement d’un globe couronné, d’une masse et d’un bâton d’évêque, d’un livre et d’un masque de scène. Sur le côté, un putto porte une torche inversée et indique ainsi clairement : « votre bougie s’éteint ».

Le jeune homme lui-même tient dans sa main une banderole sur laquelle est gravé le texte : Joseph effugit mulierem non mortem (Joseph a pu échapper à la femme, mais pas à la mort). Il s’agit d’une allusion à Joseph dans l’Ancien Testament (Gen. 39:1-23). La femme de Potiphar voulait le séduire et l’a attrapé par sa robe (v. 12), mais il a laissé sa robe entre ses mains et s’est enfui.

Au bas du médaillon figurait à l’origine la devise Mors omnia tollit (la mort emporte tout), mais celle-ci a été remplacée en 1854 par un blason familial plus vaniteux. Le fait qu’après cette vie terrestre éphémère, une destination finale attend l’homme dans une vie éternelle est représenté en dessous par le mouvement circulaire de l’ouroboros, le serpent qui se mord presque la queue. L’épée flamboyante et la branche de palmier indiquent que l’on peut compter sur la justice lors du jugement dernier et sur une entrée joyeuse au paradis. Pouvez-vous imaginer que quelqu’un de notre époque veuille garder le souvenir de lui-même de manière aussi réfléchie ?