Anvers, Églises et Tourisme
Pastorale du Tourisme, Diocèse d’Anvers (TOPA vzw)

La cathédrale Notre-Dame d’Anvers, une révélation.

Les autels des corporations et des guildes

Lors de l’abolition des corporations et des guildes par l’administration révolutionnaire française, leurs biens ont été confisqués et la plupart des retables se trouvent maintenant au KMSKA. Pourtant, le lien autrefois si profond qui prévalait dans cette église entre le travail, l’art et la foi se retrouve encore dans un certain nombre d’œuvres, y compris quelques triptyques exceptionnels.

Les dizaines de clés de voûte gothiques de la nef, datant de la seconde moitié du XVe siècle, étaient censées être colorées, mais leur polychromie originale a malheureusement été perdue lors de la restauration musclée effectuée dans les années 1970. Bien que leur iconographie ne soit pas uniforme, certaines d’entre elles nous indiquent tout de même à qui étaient destinées les espaces sous-jacents, notamment de nombreuses guildes et métiers. Dans la nef extrême nord (en comptant à partir de l’ouest), la clé de voûte conique de la deuxième travée montre Saint Arnould avec les emblèmes et les activités de la guilde des brasseurs, celle de la troisième travée les ciseaux des drapiers, et celle de la quatrième travée une des teinturiers. La peinture Renaissance riche en couleurs des voûtes des nefs latérales est également en relation avec les utilisateurs originaux des autels en question. La présence des brasseurs dans la nef extrême nord peut également être lue à travers leurs armoiries (après 1533).

Dans le collatéral intérieur sud, nous trouvons les traces peintes des commerçants (Jan Crans, 1538). L’une de leurs principales activités consistait à peser les marchandises pour les vendre en vrac. À cette fin, un ange laisse descendre d’une sorte de hublot une balance avec des bols en cuivre. Leur saint patron, Saint-Nicolas, est représenté sur la clé de la voûte.

Dès que la travée des boulangers fut voûtée un peu plus loin dans le collatéral sud central, la clé de voûte fut estampillée de leur saint patron Aubert vers 1475. Un an plus tard, ils ont fait peindre la voûte qui l’entoure avec leur emblème : des pelles de four croisées surmontées d’une paire de pains ronds. Lorsque, après l’incendie de 1533, l’autel des boulangers fut déplacé d’une travée vers un pilier du colattéral central, une voûte similaire fut peinte dans la travée adjacente du collatéral intérieur sud. Quel ecclésiastique qui, à l’époque, était tenu au jeune avant la communion, n’a pas eu l’eau à la bouche à la vue de ces petits pains tout frais sortis du four, tôt le matin à la messe ?

En fait, ces peintures de voûte font partie des “plus beaux” trésors artistiques de l’église : les gens qui peinaient quotidiennement pour gagner leur vie sont fiers de leur travail et n’hésitent pas à décorer les voûtes de leur cathédrale avec leurs outils. Il s’agit d’un hommage sublime au travail humain, qui est loué jusqu’aux cieux. Si nous ne voulons pas dégrader la cathédrale au rang de musée d’antiquités, et si nous voulons conserver le même esprit d’implication dans la vie quotidienne, alors peut-être s’agit-il d’une invitation à créer de nouveaux tableaux de voûte en utilisant des instruments de travail contemporains. Ici aussi, l’homme actuel peut donner expression à la signification de son travail quotidien.

Le retable des poissonniers, œuvre de Hans van Elburcht, vers 1560, reflète la dévotion à leurs saints patrons : l’apôtre pêcheur par excellence, Pierre, le premier d’entre eux, figure sur le panneau central et sur la prédelle de gauche, les apôtres Philippe et Jacques le Mineur sur les volets.

La scène principale au premier plan a été inspirée par une gravure de 1556 de Pieter van der Heyden, qui remonte à son tour à une œuvre de Lambert Lombard. La taille du triptyque a été réduite pour l’adapter à un autel portique, probablement en 1621, lorsque l’autel des poissonniers a été déplacé vers le pilier ouest de la nef principale. Malheureusement, nous ne savons plus à quoi ressemblait l’ensemble du tableau central à l’origine.

Le panneau central présente en trois actes des scènes successives de l’histoire de la pêche miraculeuse (Jean 21:1-14). L’histoire peut être lue à partir du fond en haut à gauche [I] jusqu’au centre à droite [II] et en revenant à gauche jusqu’au panneau avant [III].

I] A l’initiative de Pierre, six apôtres l’accompagnent pêcher sur la mer de Tibériade, mais ils n’ont rien pris. Lors de l’apparition du Christ ressuscité (✛) sur le rivage, une pêche miraculeuse s’opère. Alors que les six autres apôtres essaient en vain de tirer les filets remplis à bord, Pierre (A1) marche dans l’eau jusqu’au Christ.

II] “Les six autres disciples vinrent avec la barque” et “traînèrent derrière eux le filet avec les poissons”. À la question de Jésus concernant le “poisson nouvellement pêché” (miraculeusement), Pierre (A1) ramène la grosse prise sur le rivage.

III] Au premier plan, l’accent est mis sur la livraison de ces ” gros poissons “, que Jésus (✛) leur à son tour leur distribue, avec du pain. Pierre (A1), toujours en tant que (deuxième) personnage principal, est agenouillé devant Jésus, avec le jeune Jean (A2) aux cheveux blonds.

Les volets sont dédiés aux deux autres saints patrons de la corporation. Le panneau de gauche montre Le baptême de l’eunuque éthiopien (alias “le Maure”) par Philippe (Actes 8, 26-40) (Rotterdam, Musée Boijmans Van Beuningen), le panneau de droite : Le martyre de Jacques le Mineur (Saint-Ghislain, Couvent des Sœurs de la Miséricorde).

Dans le dernier quart du XVIe siècle, vraisemblablement après la restauration du culte catholique en 1585, les deux panneaux de la prédelle ont été ajoutés, probablement par un artiste anonyme de l’entourage d’Ambrosius Francken. Ici, Jésus invite des pêcheurs à le suivre : ils deviennent ses premiers apôtres. Sur le panneau de gauche (iconographiquement à droite) avec L’appel de Pierre lors de la pêche miraculeuse (Lc. 5:1-11), on voit en arrière-plan à droite comment les poissons sont amenés sur les quais. L’emplacement rappelle le quai d’Anvers avec son marché aux poissons en face du Steen. Sur le panneau de droite, un autre couple de pêcheurs et de frères est représenté dans L’appel de Jacques le Majeur et de Jean (Mt. 4, 21-22, Mc. 1, 19-20). Ils laissent leur père Zébédée dans la barque. En raison de l’adaptation au nouvel autel, Jacques a disparu en grisaille sur un panneau extérieur et Philippe a été gravement endommagé sur l’autre.

En 1585, les savonniers réoccupent leur ancienne chapelle dans le déambulatoire sud, mais en partie parce que leur capacité financière est limitée, ils partagent leur autel avec la guilde des maîtres d’école. Coïncidence ou non, à cette époque, la corporation des maîtres d’école tenait ses réunions dans la sacristie du chapitre voisin, sous la direction de l’écolâtre, le chanoine responsable de l’éducation. La réunion sur l’utilisation de l’autel a eu lieu, selon les coutumes de l’époque, dans une auberge, en l’occurrence ‘t Rood Leeuwken dans la Kammenstraat. Deux ans à peine après la restauration du culte catholique, en 1587, ils sont les premiers a reconstruire leur autel de guilde avec un retable dans la cathédrale.

Le panneau central:
Jésus retrouvé au temple
(Lc. 2:41–50)

Le temple de Jérusalem ressemble à une – pour ce temps là – église moderne de la Renaissance, avec en arrière-plan le chœur qui représente le Saint des Saints. On n’y trouve pas d’autel, mais la ménorah ou candélabre à sept branches devant l’Arche d’Alliance. Marie et derrière elle Joseph, qui ont perdu leur enfant de douze ans, le retrouvent ici, ” assis au milieu des maîtres ” (v. 46). Marie, reconnaissable à sa robe bleue et à son auréole, lui demande, atterrée, la main droite ouverte : Mon enfant, pourquoi nous fais-tu cela ? Pense à la douleur avec laquelle ton père et moi t’avons cherché. Mais Jésus répond : Ne saviez-vous pas que je devais être dans la maison de mon Père ? (v. 48-49) et, de son index droit pointé vers le haut il montre le sanctuaire du temple.

Les Docteurs en Écriture juifs consultent les Écritures de l’Ancien Testament pour répondre aux questions de Jésus (v. 46) ou réagissent avec étonnement à sa compréhension et à ses réponses (Lc. 2, 47). L’un d’eux jette son regard sur la prophétie d’Isaïe (7,14b) qui se rapporte à Jésus : la jeune femme est enceinte ; elle donnera bientôt naissance à un fils et l’appellera Emmanuel. Les enseignants anversois se reconnaissent dans ses docteurs juifs qui se sont rassemblées autour de Jésus, pleins d’ardeur à apprendre. En effet, un vrai maître reste un élève… certainement de “l’unique Maître” (Mt 23,8). C’est pourquoi le conseil d’administration fait figurer certains de ses membres parmi les témoins – ce qui ne manque pas de vanité. L’idée tentante de reconnaître dans les deux scribes en bas à gauche les portraits de Luther (lunettes et visage rond) et de Calvin (visage allongé et barbe) s’est répandue – au moins depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle – par le biais d’un guide de voyage. Étant donné que les docteurs jouent ici le rôle de modèles professionnels pour les enseignants (catholiques) anversois, il est hors de question que les deux plus grands contestataires protestants de l’église catholique aient été inclus dans leurs rangs. De plus, le “nez juif” du scribe barbu ne correspond en rien au nez droit typique ( !) de Calvin, déjà bien connu dans le graphisme de l’époque.

Le panneau de gauche:
Ambroise baptise Augustin

La guilde des maîtres d’école a honoré Ambroise de Milan comme son saint patron. Les écoliers ont également célébré sa fête le 7 décembre. La mitre du saint évêque est ornée de l’image d’une ruche, symbole de l’éloquence qui coule comme le miel. Par ce biais, Ambroise a réussi à persuader de nombreuses personnes de devenir chrétiennes, dont Augustin, lui-même enseignant. Dans la nuit pascale de 387, Ambroise lui administra le baptême. Sur sa robe de baptême, saint Augustin porte à la hauteur du cœur une cocarde avec deux flèches croisées transpercant un cœur, son attribut qui remonte à sa célèbre citation : Tu perceras nos cœurs de ton amour comme de flèches, et tes paroles nous pénétreront aussitôt (Confessions ix, 2, 1). Monique, qui a œuvré pendant des années à convertir son fils Augustin, regarde. Nul doute que les enseignantes, qui en 1587 représentaient la moitié des 80 enseignants d’Anvers, s’identifiaient-elles à la figure de Sainte Monique par affinité. Son enseignement domestique n’a-t-il pas été couronné par l’accession de son célèbre fils à l’Église ? Avec le respect qui lui est dû, le scolastique Reynier van Brakel s’agenouille au premier plan.

Le panneau de droite:
Le prophète Élisée et le miracle de l’huile

L’huile étant le produit de base du savon, le thème du miracle de l’huile était particulièrement approprié pour les savonniers qui se sont chargés de ce panneau. Le prophète Élisée marche sur les traces de son célèbre maître Élie et lui succède avec son propre miracle de l’huile. L’homme chauve, vêtu du manteau rouge de prophète de son maître, aide une veuve, mère de deux fils, à se sortir de ses dettes en s’assurant qu’elle peut remplir un grand nombre de fûts (empruntés) avec une petite quantité d’huile dans une cruche (2 Rois 4, 1-7). Comme antécédent au crucifix dans un salon catholique, un tableau représentant Moïse et le serpent d’airain (Nombres 21,9) est accroché contre la cheminée (cf. prédelle du maître-autel).

Sur les panneaux extérieurs, les évangélistes sont assis autour d’une table qui s’étend sur les deux panneaux. Au début du 19e siècle, les panneaux sont revenus de l’École Centrale d’Anvers.

Pour leur chapelle dans le déambulatoire, les menuisiers ont commandé vers 1620 un retable à la mode au peintre renommé Hendrik van Balen, qui l’a achevé deux ans plus tard. Traditionnellement, les saints patrons des charpentiers anversois, les deux Saint-Jean, étaient peints en grisaille sur les panneaux extérieurs. Grâce à l’effet d’ombre, ils deviennent presque des statues dans des niches. À l’intérieur, seul Jean Baptiste retient l’attention : les trois panneaux résument de manière concise l’histoire de sa vie en autant de scènes, de gauche à droite.

Le panneau de gauche:
La naissance de saint Jean Baptiste,
ou plus précisement, son premier bain.

Marie est venue rendre visite à sa cousine Elisabeth, plus âgée et enceinte, “au sixième mois” (Lc 1,37) pour rester avec elle “environ trois mois” (Lc 1,56), et a ainsi pu l’assister pendant l’accouchement. Dans l’art, ce passage sera utilisé pour développer la scène du premier bain de Jean donné par Marie. Ici aussi, elle est reconnaissable à ses vêtements traditionnels bleus et rouges, que le dessin préparatoire à la plume (Kupferstichkabinett des Staatliche Museen de Berlin) ne révèle pas encore. À gauche, à peine perceptible à l’œil nu, Elisabeth est encore dans son lit de parturiante, les yeux rivés sur son bébé. Les anges font allusion à la mission divine de l’enfant, telle qu’elle a été annoncée à son père Zacharie : l’ange de Dieu qui préparera le chemin de Jésus… le plus grand parmi ceux qui sont nés de femmes (Lc 7,27-28). La jubilation, les chants et la musique des anges suggèrent “la joie d’une multitude sur sa naissance” (Lc 1,14). Parce qu’il a été sanctifié dès le sein de sa mère, Jean-Baptiste est, avec la Vierge Marie, le seul saint dont la naissance est fêtée, le 24 juin.

Le panneau central:
La prédication de saint Jean Baptiste
(Lc. 3:1–17)

Jean, qui vit dans le désert, prêche dans la région du Jourdain (v. 2-3), à une foule hétéroclite (v. 7). Traditionnellement, cette prédication a été placée, à juste titre, dans une oasis de verdure et, comme ici, sur une petite élévation. Le prophète extravagant, “vêtu d’une bure en poils de chameau”, renforce ses propos sur l’imminence de la colère (v. 7) en pointant son index vers le ciel. A la question de savoir ce qu’il faut faire pour ne pas être jeté dans le feu pour toujours et pour produire du bon fruit (v. 9), il donne une réponse adaptée à chacun. Les riches, reconnaissables à leurs vêtements coûteux, doivent partager fraternellement leur abondance “avec ceux qui n’ont rien” (v. 10-11). Pour les collecteurs d’impôts, qui sont méconnaissables par manque d’uniforme, le message est d’être professionnellement correct, et non pas de tromper (v. 12-13). Les soldats romains et contemporains sont exhortés à ne pas extorquer (v. 14). L’homme barbu avec le mot hébreu “YHWH” sur son couvre-chef et son interlocuteur représentent probablement les pharisiens et les juristes, qui ne se font pas baptiser (Lc. 7:30).

En accentuant la palette chaude et colorée de leurs vêtements, van Balen attire d’abord l’attention du spectateur sur la femme assise avec ses enfants dans le coin inférieur droit. Cette étrangère en apparence est plus qu’un simple accessoire pour la scène. En désignant Jean, elle attire l’attention non seulement de ses enfants qui s’ébattent, mais aussi du spectateur sur ” le précurseur de Jésus “.

Le panneau de droite:
Saint Jean-Baptiste accuse le roi Hérode de vivre dans le péché avec Hérodiade, sa belle-sœur.

L’homme de Dieu admoneste avec son index accusateur : Il ne t’est pas permis de posséder la femme de ton frère (Mc 6,18). La volonté d’Hérode d’écouter et de regarder Jean, tout à la fois “assis sur le bord de son siège” et reculant, est l’expression de son combat : Chaque fois qu’il l’entendait, il était partagé, mais il l’écoutait volontiers (Mc 6,20).

Cette scène annonce également le début de la fin de la vie de Jean. À l’arrière-plan se trouve Hérodiade, qui “lui en voulait et cherchait à le tuer” (Mc 6,19) et qui souffle à sa fille Salomé de se débarrasser du prophète critique, faisant allusion à la décapitation de Jean après la danse de Salomé (Mc 6,21-28).

Depuis 2008, les volets de la cathédrale ont retrouvé le panneau central, grâce à un prêt à long terme du Musée royal des Beaux-Arts, anciennement l’École Centrale, pour lequel il avait été initialement confisqué.

Les “taverniers” étaient des marchands de vin qui servaient également du vin dans leur propre auberge. Ce commerce représentait l’un des plus importants revenus d’accises de la ville. Lorsqu’en 1596, ils ne partagent plus leur autel avec les tonneliers, ils commandent à l’un des principaux peintres, Maarten de Vos, un retable pour leur nouveau lieu de culte dans la chapelle la plus orientale du déambulatoire. L’histoire biblique populaire des “Noces de Cana” (Jean 2:1-11) est un choix évident pour faire le lien entre l’évangile de Jésus et leurs activités professionnelles. On ne sait pas exactement ce qu’il est advenu du tableau pendant le Régime Révolutionnaire Français. Quoi qu’il en soit, il est réapparu dans l’église au XIXe siècle et s’est retrouvé dans le transept sud.

Les invités, assis à une longue table dans un intérieur luxueux et contemporain, sont dans une ambiance festive appropriée, animée par trois joueurs de luth et un jeune chanteur sur la tribune en bois située à l’arrière (comme celle qui est encore conservée à Anvers dans la Maison Notre-Dame, alias l’hôtel Delbeke, dans la Keizerstraat).

La scène représente ostensiblement un instantané, mais le connaisseur attentif de la Bible remarquera que presque toutes les phases de l’histoire biblique sont mises en scène ici. Selon la chronologie de l’histoire, elles doivent être lues de gauche à droite et aboutir à la gauche dans un mouvement circulaire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

Après que Marie (M) à gauche, reconnaissable aux habits blancs et bleus, ait remarqué que le vin est sur le point de s’épuiser, elle donne des instructions à l’un des “serviteurs” (S1) avec l’index droit levé : Tout ce que Jésus vous dira, faites-le (v. 5). Pour la Contre-Réforme, c’est une anecdote parfaite pour représenter le rôle médiateur de Marie.

Jésus (), presque au centre de la composition, se détache d’autant plus avec sa robe rouge vif. Il désigne les cruches d’eau de la coutume de purification juive qui, au nombre de six ici, sont disposées sur presque toute la largeur du plan frontal. Il exhorte un serviteur à les remplir à nouveau. Ils les remplirent d’eau, jusqu’au bord (v. 7).

Suivent ensuite les réactions des invités, dont la Bible ne dit pourtant rien. Plus loin sur la droite, au fond, un serveur (S3) sert du vin meiraculeux à une femme : le vin blanc du Rhin ou de la Moselle, si apprécié dans la région d’Anvers. Les autres invités discutent avec animation du nouveau et meilleur vin. La riche mariée (1), vêtue de satin blanc et coiffée d’une couronne d’or, se voit offrir par sa mère (2), encouragée par son père (3), une coupe contenant le vin miraculeux. Conformément à la tradition matrimoniale de l’époque, l’époux n’est pas encore assis à la table avec sa femme, tant que le mariage n’est pas encore consommé. La mariée est flanquée de ses parents devant une nappe d’honneur et sous un luxueux dais, tandis que trois couronnes sont suspendues au-dessus d’eux. On ne voit pas comment le maître de table, qui ne sait pas d’où vient ce vin, demande des comptes au marié pour cette inversion du cours des choses, le meilleur vin n’étant offert que vers la fin de la fête (v. 9-10). L’homme à la coiffe et au manteau rouge (4), qui se glisse entre les compagnons de table de gauche, est le maître de table, qui a finalement appris la vérité par “les serviteurs qui savaient” (v. 9). Il désigne Jésus comme l’auteur de ce déroulement inapproprié, mais miraculeux, des événements. Nous avons donc bouclé la boucle.

Dans le vase à eau de droite, le rapt de Proserpine (grec : Persefone) par Pluton (Hadès) vers les enfers fait allusion à la “consommation” du mariage, qui doit encore être consommé, après quoi les mariés peuvent s’attabler ensemble le jour suivant la fête de mariage. Cependant, le sens biblique de cette histoire de miracle – malgré toutes les aspirations des tenanciers de la taverne – n’est pas axé sur la consommation de vin, mais sur l’amour irrésistible de Dieu qui veut remplir le cœur de chacun. Les portraits individuels, vraisemblablement ceux des administrateurs de la corporation, indiquent que ces messieurs ne sont que trop heureux de prendre part à ce festin de noces avec Dieu au ciel.

Il n’est pas certain qu’il y ait eu des volets à l’origine. L’autel était couronné par une statue de Saint Martin. Il a suffi aux vignerons de goûter le vin jeune lors d’une fête au début de la saison de chasse, le jour de sa fête, le 11 novembre, pour que ce saint populaire devienne le patron de leur profession. Son image sur une clé de voûte dans le collatéral intérieur sud marque l’emplacement de l’ancien autel de Saint Martin.

Aucune trace de peinture sur voûte n’indique encore la position de l’ancien autel des tonneliers dans la nef centrale, contre le deuxième pilier sud (en partant de la croisée). Cependant, les deux retables relatant le martyre du saint patron ont été conservés, mais dans l’église Saint-Paul. Le premier, Le martyre de saint Matthieu de Hendrik Herregouts, de 1680-1681, est commandé par la corporation des tonneliers. Le second, La lapidation de saint Matthieu, est exécuté par Willem de Rijck à peine trois ans plus tard qu’il offre personnellement aux tonneliers. Les deux retables étant peints sur toile, les tonneliers pouvaient ainsi facilement les faire alterner sur leur autel. Après le maître-autel des Jésuites (1621, église Saint-Charles-Borromée) et des Dominicains (1670, église Saint-Paul), il y avait aussi quelque variation sur un autel de corporation à la cathédrale.

Les trois prédelles en relief en marbre blanc de l’autel portique qu’Artus II Quellinus et Ludovicus Willemsens érigèrent pour les tonneliers en 1677-1678 furent incorporées par Jan Blom en 1822-1824 comme prédelles à l’arrière du maître-autel. Barils et tonneaux ne donnent pas lieu à une pensée spirituelle biblique, mais qui cherche trouve. Le récipient fait référence au vin qu’il contient. D’où le thème du « pressoir mystique » – avec le Christ représenté par ses cinq plaies – qui se réfère (raisin pressé) du vin qui représente le sacrifice sanglant de Jésus dans l’Eucharistie. Sur les panneaux latéraux, d’allègres putti ailés apportent les raisins et le grain.

Chaque autel qui se dressait contre un pilier de la nef centrale était entouré d’un jardin d’autel. D’abord en bois et munis de balustres en cuivre, mais à l’époque baroque, ils étaient construits en marbre plus modieux. Des douze jardins d’autel de la cathédrale Notre-Dame, il n’en reste aucun. Grâce à l’achat par la Province d’Anvers, trois des six panneaux du jardin d’autel baroque des tonneliers ont réintégrés la cathédrale. Ils sont datés de 1683 et signés « G.K.” : Guillielmus (= Willem) Kerricx. Ils montrent comment et avec quels outils les barils étaient fabriqués : scie, pic, perceuse, raboteuse, lime, râpe, alors que la cuvette, le robinet, le bouchon à vis et l’entonnoir à vin indiquent comment ils étaient principalement utilisés pour le vin. Les bozetti sont conservés à Bruxelles, aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique. Une partie de cette collection d’outils, ainsi que le pressoir à vin, se retrouvent dans la rampe d’escalier en bois baroque (vers 1720) de la maison de la guilde des débitants de vin au Veemarkt (actuellement au Vleeshuis).

Les bonnetiers considéraient la légendaire sainte Mère Anne comme un modèle de l’activité domestique à cause de sa grande famille. La clé de voûte gothique de sainte Anne Trinitaire près du pilier-mère nord-ouest indique l’emplacement ininterrompue de cette corporation ans cette église depuis sa fondation vers 1487. Pour leur autel baroque, Pierre II Verbrugghen exécute une prédelle en relief sur marbre blanc La naissance de Marie (deuxième moitié du XVIIe siècle, actuellement dans la salle des marguilliers). Alors qu’Anne se repose encore sur sa couche et que la sage-femme quitte la chambre, deux assistantes s’occupent du bébé, le lavent et l’emmaillotent. Près du feu ouvert, le berceau en osier attend, faisant allusion à l’ancien nom de cet autel : « Notre-Dame-au-berceau ».

La statue en pierre blanche de saint Gommaire, polychrome à l’origine et tenant un bâton à la main (première moitié du XVIIe siècle), couronnait l’autel des briseurs de bois, contre un pilier de la nef septentrionale.

Sur les six retables appartenant à une milice, restent sur les lieux les deux sculptures en marbre blanc de deux combattants de l’Ancien Testament restent sur les lieux. Gédéon, avec une cruche brisée et un sceptre (Hubert van den Eynde) et Josué (la lance manque, Artus II Quellinus). À titre d’exemplarité, ils appartenaient tous deux à l’autel Saint-Michel des escrimeurs (après 1650), qui fut érigé contre le pilier-mère sud de la nef. Ils se trouvent actuellement à l’arrière de la nef, appuyés à un contrefort des tours.