Une clef pour l’église Saint-Jacques à Anvers.
Un chantier séculaire
Suite à l’extension de la ville vers l’est, la chapelle de l’hospice Saint-Jacques ‘du Kipdorp’ (qui incluait l’actuel Marché Saint-Jacques) se retrouve à l’intérieur de la zone urbaine et devient de plus en plus le leiu de culte pour les habitant du lieu. Cette chapelle Saint-Jacques n’étant pas une église paroissiale, on ne pouvait qu’y suivre pour la messeLa célébration liturgique dans laquelle l’Eucharistie est centrale. Elle se compose de deux parties principales : le service de la parole et le service de la table. Les principales parties du service de la parole sont les prières de miséricorde, les lectures bibliques et l’homélie. Le service de la table commence par l’offrande, au cours de laquelle le pain et le vin sont déposés sur l’autel. Elle est suivie de la grande prière d’action de grâce, pendant laquelle on chante la louange de Dieu et on procède à la consécration. Les éléments fixes sont aussi la prière du Notre Père et un souhait de paix, et ainsi on peut symboliquement s’asseoir à table avec Jésus pendant la communion. La messe se termine par un envoi (missa en latin, d’où vient le mot « messe ») : l’instruction de partir dans le monde dans le même esprit., tandis que pour les baptêmes et les enterrements, il fallait se rendre à l’église paroissiale de Notre-Dame, l’actuelle cathédraleL’église principale d’un diocèse, où se trouve le siège de l’évêque..
Le Pape Sixte IV accède aux souhaits des Anversois d’obtenir de nouvelles paroisses en approuvant en octobre 1477 la réorganisation paroissiale. En janvier de l’année suivante, la petite chapelle de Saint-Jacques est, parmi d’autres, promue canoniquement au rang d’église paroissiale. L’évêquePrêtre chargé d’un diocèse. Voir également « archevêque ». coadjuteur de Cambrai, l’évêché dont Anvers ressortit à cette époque, vient consacrer les fonts baptismauxLe récipient en pierre ou en métal contenant de l’eau bénite, utilisé pour administrer le baptême. Les fonts baptismaux étaient souvent situés dans un baptistère spécialement conçu à cet effet, généralement près de l’entrée de l’église. et le cimetière. De nouvelles chapellenies sont fondées.
La chapelle s’avère rapidement trop petite et on envisage la construction d’une église plus appropriée à la paroisse. Les marguilliersUn laïc qui est membre de la fabrique d’église. Dans cette fonction, il est coresponsable de la gestion matérielle et financière du bâtiment et de tous les biens de l’église. se plaisent à traduire les aspirations des habitants aisés en un projet de construction à peine moins ambitieux que celui de Notre-Dame, la plus ancienne église principale.
L’église de style gothique tardif se présente à nos yeux aujourd’hui comme un seul vaste ensemble harmonieux. Cependant, la construction a duré près de 175 ans. Commencée en 1491, elle s’est déroulée en plusieurs épisodes, suite à des arrêts abrupts des travaux. Le nombre de phases de cette construction varie selon les auteurs, ce qui se comprend du fait que pour certaines périodes tout document fait défaut. De plus, la construction et l’achèvement de certaines parties, dont le chœurDans une église à plan cruciforme, la partie de l’église qui se trouve du côté opposé de la nef par rapport au transept. L’autel principal se trouve dans le chœur. et le déambulatoireParcours autour du chœur, auquel peuvent donner accès les chapelles de chœur et les chapelles absidiales., s’étalent sur plusieurs phases. À cela s’ajoutent les transformations de nefs et chapellesUne petite église qui n’est pas une église paroissiale. Elle peut faire partie d’une entité plus grande, comme un hôpital, une école ou un lieu de culte, ou être autonome.
Une partie clôturée d’une église avec son propre autel.
existantes. Décortiquer l’histoire de la construction de Saint-Jacques n’est pas une mince affaire.
Les architectes furent les mêmes que ceux de l’église Notre-Dame. Les travaux débutent sous la direction d’Herman de Waghemakere l’Ancien. À sa mort en 1503 son fils Domien lui succède et en 1512 son autre fils Herman le Jeune.
Contrairement à la tradition on commence en 1491 par l’ouest, à savoir la tour occidentale massive. Cela est manifestement utile à la construction sur le plan architectural. Entre-temps l’ancienne chapelle (à hauteur de l’actuel collatéral nord) peut continuer à servir de petite église paroissiale. Sur le plan technique, la tour constitue le support indispensable à l’érection de la nefLa partie arrière de l’église est réservée à la congrégation. La nef se prolonge jusqu’au transept. principale, vu qu’à l’autre extrémité manque l’amorce robuste d’une absideAnnexe semi-circulaire ou polygonale où se trouve le maître-autel dans une église. de chœur.
En même temps que la tour on entame également la nef. C’est ainsi que sont posés les jalons pour les générations futures. En 1496 la fabrique d’église charge le peintre Hendrik van Wueluwe de réaliser un tableau reproduisant le modèle de l’église (probablement telle qu’achevée), le but étant bien entendu de stimuler la générosité des paroissiens (hélas disparu).
Si le joint dans la façade occidentale entre la tour massive et les chapelles latérales plus basses, pourrait nous amener à penser que ces dernières n’étaient prévues que (un peu) plus tard, on s’est bien vite ravisé puisque les chapelles latérales méridionales ont été construites entre 1503 et 1507. Après la démolition de la première église Saint-jacques, suivent les chapelles septentrionales entre 1508 et 1512.
Tant que l’on travaille sur la tour – et en l’absence d’un transeptLe transept forme en quelque sorte la poutre transversale du plan cruciforme. Le transept se compose de deux nefs, dont chacune fait saillie par rapport à l’autre à gauche et à droite. nord – les paroissiens venant du nord accèdent à l’église par la première/seconde chapelle ouest de la nef nord. L’église paroissiale et son saintIl s’agit d’un titre que l’Église accorde à une personne décédée qui a mené une vie particulièrement juste et fidèle. Dans l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe, les saints peuvent être vénérés (mais pas adorés). Un certain nombre de saints sont également des martyrs. patron ne doivent pas manquer d’un maître-autel. Parce que le grand chœur prévu dépasse les forces financières et est trop long à venir, on se contente d’un chœur provisoire pour l’autel dédié à Saint Jacques. On remarque cette chapelle indépendante sur le fameux plan à vol d’oiseau de Virgilio Bononiensis. Le chœur du Très-Saint-Sacrement date de la même époque (1507). Le résultat pouvait être vu et compté : en tout 19 autelsL’autel est le meuble central de l’Eucharistie. A l’origine, un autel est une table de sacrifice. Cela correspond à la vision théologique selon laquelle Jésus s’est sacrifié, par sa mort sur la croix, pour racheter l’humanité, comme le représente symboliquement le tableau « L’Agneau de Dieu » des frères Van Eyck. Dans les temps modernes, l’autel est souvent décrit comme « la table du Seigneur ». Ici, l’autel fait référence à la table à laquelle Jésus et ses disciples étaient assis lors de l’institution de l’Eucharistie pendant la dernière Cène. Tout comme Jésus et ses disciples l’ont fait à l’époque, le prêtre et les fidèles se réunissent autour de cette table avec du pain et du vin., pratiquement tous de confréries et de quelques corporations, telles que les satineurs et les scieurs.
De 1525 à 1531 Rombout Keldermans le Jeune est l’architecte de l’église. La loterie que les marguilliers organisent en 1524 pour financer la construction ne peut empêcher de nouveaux problèmes d’argent de surgir. Le manque d’argent, un euphémisme pour dette et faillite, entraîne l’arrêt des travaux. Les travaux à la tour sont définitivement arrêtés entre 1525 et 1533 (vers 1529 ?). La fabrique d’église vend certaines propriétés, même les outils des maçons sont vendus au Marché du Vendredi. Charles V désigne une commission ad hoc pour examiner la comptabilité. C’est pourquoi les comptes de 1525 à 1533 manquent dans les archives de l’église, pourtant exceptionnellement bien conservées.
Ce n’est que maintenant qu’on entreprend la construction du transept et du déambulatoire avec ses chapelles. Entre-temps la nef principale avait reçu un toit provisoire (1553–1557).
Lors du premier iconoclasme (1566) toutes les œuvres d’art gothique et renaissance subissent un vandalisme sans discernement. Les grands travaux de construction sont arrêtés.
En 1579, sous l’administration calviniste, la nef est attribuée aux calvinistes ; les catholiques ne conservent que le transept. Un an plus tard, une paroi scelle la séparation entre les deux groupes. Encore un an plus tard, en 1581, l’église entière est mise à la disposition des calvinistes. Rapidement suivra le second iconoclasme, mais cette fois-ci il s’agit d’une ‘purge’ bien organisée, en l’occurrence : les nouveaux utilisateurs ‘légitimes’ effectuent l’enlèvement et la destruction de tout le matériel iconographique catholique.
Après la reconquête d’Anvers par les Espagnols, l’église dépouillée est à nouveau entièrement destinée au culte catholique. D’emblée on consacre six autels ; restauration et nouvelle décoration s’imposent. La fabrique d’église, les confréries et les corporations se mettent en branle pour rendre, dès que possible, le lustre requis à leur autel. Entre-temps le retableParoi arrière peinte et/ou sculptée d’un autel placé contre un mur ou un pilier. Sous le retable, il y a parfois une prédelle., qui au départ était composé de nombreuses petites scènes, avait évolué vers un triptyque peint comportant tout au plus cinq scènes, fussent-elles de plus grandes dimensions. Ainsi les peintres maniéristes de la fin XVIe, début XVIIe siècle, purent donner libre cours à leurs créations pour une vingtaine d’autels et encore bien davantage de tableaux épitaphes, jusqu’à ce que tous soient rétablis en un nouveau faste maniériste.
Une fois la nef entièrement remise en état, la fabrique d’église pouvait finalement prêter toute son attention à l’achèvement de la partie orientale : transept, chœur, déambulatoire et chapelles rayonnantesUne chapelle sur la paroi arrière incurvée du chœur. Dans le symbolisme du plan cruciforme, où le chœur figure la tête de Jésus crucifié, ces chapelles forment, en quelque sorte, une auréole autour de cette tête. C’est pourquoi on les appelle parfois « chapelles rayonnantes ».. On commence par le noyau de la nouvelle partie et on voit s’élancer les colonnes et les piliers du chœur et du déambulatoire amorcés précédemment (1602-1619).
De 1617 à 1623 on rehausse et voûte la nef principale inachevée et le transept. Le voûtement du déambulatoire débute en 1619. Afin de pouvoir voûter également le chœur dans les années suivantes, on démolit l’ancienne chapelle située dans ce chœur. À l’occasion de ce voûtement, terminé en 1642, on introduit une voûte différente du reste : au lieu d’une voûte classique en croiséeLe point central d’une église cruciforme. La croisée est l’intersection entre l’axe longitudinal [formé par le chœur et la nef] et l’axe transversal [formé par le transept]. d’ogives, on y place une voûte d’arêtes en filet à huit sections, de gothique tardif. Quant à la croisée, elle est coiffée d’une voûte en étoile impressionnante.
Lors de la dernière phase (1626-1656) apparaissent les chapelles du déambulatoire et les chapelles rayonnantes. Contrairement aux chapelles latérales des bas-côtés, ce ne sont plus les confréries, guildes et corporations qui en sont les commanditaires, mais des familles importantes qui souhaitent une chapelle funéraire privée.
À l’origine trois chapelles de part et d’autre du chœur sont prévues dans le déambulatoire. On commence par celles côté sud, successivement d’ouest en est (1626-‘38). Entre-temps on a décidé d’agrandir la chapelle de la Vierge, côté nord, en y ajoutant une travéeEspace situé entre deux supports (mur ou piliers) dans le sens longitudinal de la nef, du transept, du chœur ou d’un vaisseau. vers l’est le long du déambulatoire, ce qui en fait un vaste carré. Ainsi la place prévue pour la première chapelle du déambulatoire est accaparée. Par conséquent on ne construit que deux chapelles dans la partie nord du déambulatoire, et cela en un minimum de temps (1636-‘38).
Fidèle au gothique brabançon on prévoit initialement cinq chapelles rayonnantes. La famille Rubens entame la série en 1642 avec la chapelle axiale. Mais c’est à grand peine qu’on trouve deux autres familles tout aussi intéressées et disposant du capital nécessaire. Un plan de sol de la situation en 1656, prouve qu’on a définitivement abandonné l’idée des deux chapelles prévues de part et d’autre de celle de Rubens et qu’elles seraient remplacées par des sacristies.
Si les familles en question étaient en droit de se considérer propriétaires ‘à perpétuité’ de leur chapelle, la fabrique d’église estime de son devoir de veiller à la ‘conformité’ de la construction. Au deuxième quart du XVIIe siècle, âge d’or du baroque, on poursuit la construction entamée des églises à Anvers dans le vieux style gothique ; non seulement pour en assurer l’unité de style, mais tout autant pour des raisons d’ordre technique. Ainsi l’abside du chœur qui doit fournir suffisamment de contrepoids au chœur.
La décoration des chapelles du déambulatoire et des chapelles rayonnantes s’effectue pratiquement dès l’achèvement de la construction de celles-ci. Elles sont toutes dotées d’un élégant autel-portique baroque avec couronnement monumental en marbre, souvent avec fronton brisé, surmonté ou non d’une ou plusieurs statues. De ce fait, ces retables sont commandés spécialement pour ces autels-ci, contrairement à ceux des autels des bas-côtés. Ils sont neufs de par leur style baroque, mais également en étant dès l’origine, réduits à une seule scène (donc sans panneaux latéraux).
On était enfin arrivé au bout de ses peines en 1656, le chœur étant achevé : le chapitreEnsemble des chanoines attachés à une cathédrale ou à une autre église importante, qui est alors appelée église collégiale. Dans un monastère ou une abbaye, c’est aussi la réunion des religieux, dans une salle capitulaire, » avec voix au chapitre « . de Saint-Jacques fut érigé et installé solennellement, avec comme premier doyenPrêtre – généralement curé lui-même – qui coordonne le travail de plusieurs paroisses voisines [un doyenné]. le curéUn prêtre en charge d’une paroisse. Franciscus Van den Bossche. Peu de temps après le chœur est doté d’un mobilier approprié en pur style baroque : tout d’abord un jubéUne paroi (généralement décorée) qui sépare le chœur ou le haut-chœur du transept et de la nef. Cela fait du haut-chœur une sorte de chapelle clôturée à l’intérieur de l’église. Sur le jubé, on trouve généralement une croix triomphale et parfois un orgue. À Anvers, l’église Saint-Jacques possède encore un tel jubé et un peu plus loin, à Lier, l’église Saint-Gommaire. Le large balcon au-dessus de l’entrée d’une église, sur lequel se trouve généralement l’orgue, est également appelé jubé. de chœur faisant office de clôture, ensuite des stallesL’ensemble des bancs de chœur confortables et finalement un maître-autel somptueux.
La dernière phase de construction reçoit encore une suite. Après quelques décennies, la Chapelle du Très-Saint-Sacrement ne pouvait demeurer en reste, question superficie, par rapport à la grande chapelle de Marie. Après concertation avec la famille Carillo, il est décidé d’intégrer leur chapelle funéraire (la première côté sud, datée de 1626) dans la transformation de la Chapelle du VénérableL’hostie consacrée, dans laquelle on reconnaît la présence de Jésus-Christ. Un synonyme est « le vénérable ». Dans les grandes églises, une chapelle lui est dédiée, généralement sur le côté sud de l’église., de sorte que celle-ci puisse résulter en une chapelle-halle carrée de deux travées (1664-‘65). Quelques années plus tard, en 1670, on achève le Chœur des mariages adjacent, servant également à conserver le Saint-Sacrement.
Que la fabrique d’église aille à la rencontre des souhaits des paroissiens aisés, est typique pour ‘l’Ancien Régime’. Ceux-ci étaient apparemment habitués à être conduits de porte à porte en carrosse. Parce qu’ils se plaignent de ‘l’insécurité’ et de l’impossibilité d’accéder en carrosse à l’entrée latérale du Sint-Jacobsmarkt, on abat quelques maisonnettes en 1780 et on recouvre l’accès élargi jusqu’à la porte, d’une voûte en berceau néo-classique. Ainsi ‘l’Ecce Homo’ du cimetière se retrouve à l’intérieur.
En 1784 l’utilisation de l’église et du jardin adjacent comme cimetière subit un changement drastique : l’Empereur Joseph II d’Autriche interdit d’enterrer dans les églises et les centres urbains. Désormais le nouveau cimetière du Stuivenberg devient le lieu de dernier repos des paroissiens de Saint-Jacques. L’église paroissiale ne peut qu’accueillir des monuments commémoratifs.
Deux ans plus tard une autre loi de ‘l’empereur-sacristain’ supprime les confréries de sorte que dans cette église aux nombreux autels les activités s’en trouvent fortement réduites.
Dès l’occupation par les Français en 1794, la contribution de guerre imposée force à vendre de l’argenterie et quelques tableaux. Suite à l’annexion par la France l’année suivante, toutes les lois anticléricales sont également d’application chez nous et les révolutionnaires procèdent à la fermeture des églises en 1797. Le Curé Van Camp est exilé. D’où vient l’idée d’interdire le culte catholique ? La nouvelle constitution française exprime sa foi en Dieu comme Être Suprême, mais ne voit en Lui que l’Intelligence ingénieuse qui a tout mis en œuvre. L’Amour de Dieu le PèrePrêtre qui est membre d’un ordre religieux. qui anime tant les chrétiens, est une pure fable pour eux. Ils préfèrent comparer Dieu à un horloger (‘Dieu l‘Horloger’) qui, son projet, la création, sitôt livré, ne témoigne plus du moindre intérêt pour son client et n’entretient pas davantage de contacts avec celui-ci. Il leur paraît dès lors insensé de vouloir entretenir une relation avec Dieu.
En conséquence, les couventsComplexe de bâtiments dans lesquels vivent ensemble les membres d’un ordre religieux. Ils suivent la règle de leur fondateur. Les ordres monastiques les plus anciens sont les Chartreux, les Dominicains, les Franciscains et les Augustins [et leurs homologues féminins : Chartreuses, Dominicaines, Franciscaines ou Clarisses et Augustines]. Note : Les bénédictins, prémontrés et cisterciens [et leurs homologues féminins] vivent dans une abbaye ; les jésuites dans une maison. des ordres contemplatifs et les églises pour les fidèles qui viennent y prier sont à leurs yeux superflus.
Si on tient compte du sort réservé à plusieurs églises anversoises qui ont été vendues et détruites il est d’autant plus remarquable que l’église Saint-Jacques ait survécue au Régime Révolutionnaire Français. Les révolutionnaires voulant avant tout faire passer leurs idées sur le plan politique, sont disposés à faire quelques concessions sur le plan religieux. Les prêtresDans l’Église catholique romaine, le prêtre est un homme célibataire ordonné prêtre par l’évêque, ce qui lui donne le droit d’administrer les six autres sacrements : baptême, confirmation, confession, eucharistie, mariage et onction des malades. qui prêtent publiquement le serment de haine envers la Royauté peuvent garder, en guise de récompense, une église de leur choix. L’Église Catholique s’y oppose cependant courageusement : les principes avant tout ! À ses yeux la Royauté reste le pouvoir légitime qu’on ne peut abjurer, pour autant d’ailleurs qu’en tant que chrétien on puisse prêter un serment de haine.
Contrairement à la grande majorité de ses confrères qui, fidèles au point de vue de l’Église, sont condamnés à la déportation ou essayent de passer à la clandestinité, Jean-Baptiste Mortelmans, prêtre auxiliaire à la cathédrale, est lui disposé à prêter le fameux serment. Ainsi il ne sauve non seulement sa peau mais également l’église Saint-Jacques, dont il est nommé ‘desservant’ en 1798. Ce qui a pu le motiver, lui et une douzaine d’autres religieux anversois, restera à tout jamais une énigme ; mais on leur doit, entre autres, la subsistance de cette église monumentale tout comme des églises Saint-André et Saint-Paul. On lui en tiendra cependant rigueur : tant l’autorité religieuseFemme membre d’un ordre religieux, qui refuse de le reconnaître comme curé, que le public qui sympathise en grande partie avec le clergé opprimé. Impopulaire du chef de ce genre de collaboration, il n’en demeure pas moins que, grâce à son serment, l’église est toujours debout, que son riche mobilier a été intégralement conservé in situ et qu’il n’a pas fallu écarter ‘les symboles féodaux’.
Après le concordat entre le Saint-Siège et Napoléon en 1801, l’église est officiellement rouverte, comme église paroissiale et plus comme ‘collégiale’. D’ailleurs, il n’y a pas que le diocèse d’Anvers, et son chapitre cathédral, qui ait été supprimé. Les chapitres de toutes les collégiales le furent aussi, y compris celui de Saint-Jacques. Le populaire curé Van Camp revient.
Il est étonnant de devoir constater que l’église Saint-Jacques, qui a exceptionnellement survécu au Régime Révolutionnaire, se voit mutilée par sa fabrique d’église à l’époque napoléonienne. Celle-ci décide en effet de se séparer d’un certain nombre de chefs d’œuvre baroques, à commencer par les autels des deux dernières chapelles latérales. De même, les clôtures des deux grandes chapelles de dévotion, celle du Saint-Sacrement et celle de Notre-Dame (1807), ainsi que les pierres tombales dans le chœur (en 1826-’28), sont retirées.
Les plans d’adaptation de l’église à sa seule fonction d’église paroissiale ne s’arrêtaient pas là. Comme dans d’autres églises collégialesUne église qui n’est pas une cathédrale mais qui possède un collège (c’est-à-dire un groupe) de chanoines pour diriger les prières du chœur. ou conventuelles on envisage de supprimer le jubé pour faciliter la vue sur le maître-autel, considéré comme autel paroissial. L’orgue de Forceville aurait été transféré au nouveau « jubé » contre la façade occidentale. Heureusement rien n’est changé.
En 1804 le baptistère est aménagé sous une coupole dans un espace circulaire au sud de la tour. Les colonnes, peut-être de l’ancien jubé de la cathédrale, sont incorporées dans les sas d’entrée baroques (XIXe siècle) du transept et dans les clôtures des bas-côtés, dont l’entrée du baptistère.
En 1938 l’église est classée comme monument. Pendant la seconde guerre mondiale l’occupant allemand réquisitionne les cloches pour pourvoir sa machine de guerre de matières premières. Pour éviter le pire et tromper les Allemands on peint les balustres en cuivre des dernières chapelles latérales en noir. Après la guerre, on bénit de nouvelles cloches mais, submergé par tant de soucis, on en oublie ces colonnettes de sorte que ce n’est que quelque cinquante plus tard, lors d’un nettoyage plus approfondi, qu’on les redécouvre et qu’on les fait briller à nouveau.
L’impact des ‘bombes volantes’ dans les environs, les 27-11-1944 et 28-01-1945, entraînant la mort de quelque 25 paroissiens, provoque également de graves dégâts à l’église. À peu près tous les vitraux du XVIIe siècle succombent : une richesse de couleurs, qui créait un effet intérieur particulièrement chaud, est irrémédiablement perdue. Quelques morceaux peuvent encore être recollés. Ce n’est que 15 mois plus tard, le 3 mars 1946, que l’église est rouverte au culte.
En 1963 on entame la restauration sous la conduite de Jos Gabriëls. Celle-ci sera quelque peu ‘accélérée’ suite à l’incendie criminel des greniers au-dessus du déambulatoire en 1967. Depuis 1980 c’est l’architecte Rutger Steenmeyer qui dirige les restaurations actuelles. Grâce à son intervention et au soutien de l’Association Cornelis Floris, on descend le mécanisme de l’horloge de la tour en 1984, on le restaure et on le place dans un espace muséal, dans le fond de la nef septentrionale, à côté de la tour.
En 2006 les projets de création d’une vraie salle du trésor se concrétisent, laquelle sera inaugurée en 2011.
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