Anvers, Églises et Tourisme
Pastorale du Tourisme, Diocèse d’Anvers (TOPA vzw)

L’église des jésuites à Anvers, une révélation.

Le collège

Devenir plus humain

Ignace a l’ambition de se rendre avec ses premiers disciples dans les territoires islamiques pour entrer en dialogue avec eux mais la guerre l’en empêche. Ils décident donc d’offrir leurs services au Pape. À sa demande, Ignace et ses disciples s’engagent à enseigner les jeunes pour les rendre plus ‘humains’. L’enseignement des ‘humanités’ devient rapidement le but essentiel de l’Ordre. Si au Moyen-Âge, l’enseignement se limite à instruire le clergé et la noblesse au sein des monastères ou dans quelques universités, au XVIe siècle, les collèges des jésuites se basent sur un désir plus répandu d’acquérir une formation intellectuelle, nommée humanisme [à ne pas confondre avec ‘l’humanisme’ laïque actuel]. Aussi à Anvers, le collège des jésuites est la toute première institution d’enseignement secondaire. Cet humanisme chrétien reste encore leur idéal dans l’enseignement si ce n’est avec d’autres notions et d’autres accents.

Pour honorer ce projet didactique, les jésuites offraient un enseignement gratuit ! Le minerval ne pouvait être un problème pour les moins fortunés. Pour réaliser cela, chaque collège devait posséder suffisamment de fondations. Toutefois, l’enseignement était réservé aux garçons. Et dans le contexte socio-économique de l’époque seul les enfants des classes sociales nanties pouvaient se permettre d’aller à l’école ; d’ailleurs en latin ‘schola’ signifie ‘temps libre’. Que la plupart des jeunes devenaient des apprentis formés pour succéder à la profession de leur père allait de soi. Les jésuites ne se sentaient pas dans l’obligation de changer quoi que ce soit dans ce contexte structurel bien défini. La plupart de leurs quelques 500 élèves faisaient donc partie des classes privilégiées.

Beaucoup d’attention se porte sur l’étude de la culture classique et sur le latin, qui sert de langue usuelle. Leur projet pédagogique fait aussi la part belle au langage imagé. Se référant à leur fondateur – voir ses Exercices Spirituels-  ses successeurs sont particulièrement doués et créatifs pour ce genre d’expression. Avez-vous déjà observé leur emblème avec attention ? Un proverbe souligné par une représentation imagée, sculptée par les meilleurs artistes. Le livre jubilaire Représentation du premier siècle de la Société de Jésus (1640) en regorge. Un exemple : ‘Grand navire demande grande eau’ : lorsque les difficultés abondent le maître montre ses capacités. Cette culture imagée s’exprime aussi au travers de représentations théâtrales, jouées par les élèves. La plupart des années scolaires se clôturent d’ailleurs par la remise des prix suivie d’une pièce de théâtre. En 1685, un magistrat de la ville fait même appel, et avec succès, à leurs talents d’acteur. Ils participent au cortège qui célèbre le centenaire de la libération de la ville.

En 1593, un internat est ouvert de l’autre côté de la Spuistraat (à l’ouest de l’actuel Campus Carolus de Lessius Antwerpen). Face à l’accroissement du nombre de pensionnaires, les pères obtiennent en 1607 de l’administration de la ville la mise à disposition de l’ancien ‘Hôtel Van Liere’ situé à la Prinsstraat (l’actuel Campus Ville ‘Hof van Liere’ de l’Université d’Anvers dans la Prinsstraat). Le Père Frédéric de Tassis y ajoute une magnifique aile renaissance, pour y abriter d’autres sections. Cette superbe demeure patricienne fut pendant longtemps, la maison anglaise du commerce.

À la demande de l’évêque d’Anvers, les jésuites organisent pour les séminaristes des cours de théologie morale, d’exégèse et d’apologie. La Philosophie est enseignée à des confrères en formation (les scholastiques), plus tard saint Jean Berchmans sera l’un d’eux. En 1617, commence une formation de mathématiques supérieures. Cette section jouira très vite d’une renommée internationale grâce au travail scientifique de François d’Aguilon et du professeur Grégoire de Saint-Vincent, dans les domaines de l’astronomie et de l’optique. Le Père Jean-Charles della Faille, dont le portrait fut peint par Van Dyck, y suivra leur enseignement. Quatre ans plus tard, cette discipline très prometteuse, est transférée à Louvain (Leuven).

À l’origine, il n’y a qu’un seul recteur pour les deux communautés : le célèbre historien Charles Scribani. Entre-temps, la ‘Huis van Aken’ (Maison d’Aix la Chapelle) abrite le noviciat de l’Ordre néerlandophone. En 1612, lors de la séparation de la province des jésuites sur base de la langue usitée du pays, cette ‘Huis van Aken’ devient le siège du Provincialat Flamand de l’Ordre. Quatre ans plus tard, cette résidence reçoit un statut indépendant : elle devient la maison professe des jésuites où l’esprit de pauvreté évangélique est suivi avec plus de rigueur : aucun religieux ne peut disposer de revenus ou de biens propres. Jacques Tirinus est le premier prépositus (recteur) de cette communauté d’une trentaine de pères et de frères. Ce jeune père rêve de grandes réalisations qui sont exécutées, en partie, par le Père François d’Aguilon, et après son décès en 1617, par le frère Pieter Huyssens.