Anvers, Églises et Tourisme
Pastorale du Tourisme, Diocèse d’Anvers (TOPA vzw)

L’église des jésuites à Anvers, une révélation.

Le bâtiment des sodalités

Se rassembler autour de Marie

Les Pères de la maison professe s’engagent également dans les congrégations Mariales ou Sodalités. Pour stimuler tout homme de tout rang, de toute condition et de tout âge à rehausser son idéal de sainteté, la Société de Jésus fonde des associations prenant Marie, la Mère de Jésus, comme sainte patronne. Selon l’âge, le niveau de vie et/ou la langue, les membres se réunissent le dimanche matin. Les premières sodalités naissent parmi les étudiants du collège, après la prise de la ville en 1585. Ce sont eux qui parviendront à remettre une énorme statue de la Vierge, patronne d’Anvers, une œuvre de Philippe de Vos, dans la niche de la façade de l’hôtel de ville. Cette façon d’approfondir sa Foi enthousiasme un public très spécifique d’intellectuels, de bourgeois et d’artistes. L’apostolat connaît un succès inégalé, tant par son nombre de membres, par ses démarches, que par son influence. Ses membres en nombre grandissant (plus de 3000), répartis entre une dizaine de sodalités, les obligent à construire, entre 1622 et 1624, et cela à leurs frais, une aile séparée : le bâtiment de la sodalité comprenant deux grandes chapelles superposées.

Le rez-de-chaussée est destiné aux adultes qui s’affilient soit aux Hommes Mariés Néerlandophones, soit aux Latinistes, plus érudits, dont Pierre Paul Rubens, Balthasar Moretus et quelques religieux comme le chanoine Aubert Miraeus. Ces deux sections sont sous la protection de la Vierge de l’Annonciation et peuvent admirer le tableau qui décore l’autel, peint de la main de leur compagnon Rubens en personne. Sa participation active se prolonge par deux mandats de membre du conseil d’administration. Plus tard, la section Francophone des Wallons, soit les étrangers résidant à Anvers, viendra s’y ajouter sous le titre de la Conception Immaculée de Marie.

Le mariage mystique du bienheureux Herman Joseph avec Notre-Dame, Antoine van Dyck, 1630, (Kunsthistorisches Museum, Wien, photo Wikipedia)

La chapelle supérieure est occupée par les jeunes néerlandophones, plus aptes à faire les escaliers. Le célibataire de plus de 18 ans fait partie de la sodalité des Jeunes Gens Âgés, sous le titre de La Nativité de la Vierge. Antoine Van Dyck, le plus illustre de ses membres, peint pour le Maître-autel La Vierge à l’Enfant et sainte Rosalie ainsi que Le mariage mystique du bienheureux Herman Joseph. Très raisonnable dans les montants de sa facture, Van Dyck prouve sans doute par ce geste qu’il était plus qu’un membre passif de la sodalité.

Que tant d’artistes soient membres d’une de ces congrégations de Marie est assez surprenant. Leur inscription à ces congrégations, après l’inscription à la guilde de St-Luc, est la source biographique la plus citée pour le baroque anversois. Cela ne nous étonnera donc guère que ces locaux fussent des temples de beauté artistique.

La chapelle supérieure a dû être de toute beauté, riche en couleurs et en matériaux. Un cycle de pas moins de 27 tableaux en l’honneur de Marie ornait le plafond ; neuf travées avec chacune une scène de la vie de Marie, entourée de symboles et d’emblèmes. Des soldats français (d’avant la Révolution), à tels points admiratifs trouvèrent cette chapelle digne de servir de salle à manger du Roi. Toute cette magnificence se perdit, en 1773, lors de la suppression de l’Ordre des jésuites : acte injuste puisque les sodalités disposaient d’un statut indépendant, ayant toujours été garantes des coûts de construction, d’aménagement, de décoration et d’entretien.

Si les futures classes dirigeantes trouvent leur place dans leur collège prestigieux, les jésuites n’oublient pas, pour autant, les jeunes travailleurs. Tant en ville qu’à la campagne environnante, dans le cadre de l’enseignement dominical, les membres des congrégations mariales organisent des cours de catéchisme. Pour ce faire, ils disposent de treize chapelles parsemées dans la ville. En 1609, pas moins de 3.200 enfants sont ainsi contactés. Une sodalité particulière, la Confrérie de l’Instruction Chrétienne, son patron étant saint Charles Borromée, confère à cette tâche encore plus d’attention. Une quarantaine de dames de la bourgeoisie et de la noblesse prennent les jeunes filles en charge. Les Filles Spirituelles forment une catégorie spéciale : ces femmes de la bourgeoisie font vœux de virginité et tendent à suivre les préceptes chrétiens. La plupart vivent chez leurs parents. Pour les guider, elles s’adressent à un père jésuite qui sera leur directeur de conscience.

Le désir d’apprendre chez les enfants est favorisé par des concours récompensés par une distribution d’images, de médailles, de chapelets et de livres de prières. Tout ceci débouche sur une belle fête du catéchisme pendant laquelle des saynètes bibliques et allégoriques sont interprétées. Ainsi naquit, chez les jésuites flamands, la Fête de la Première Communion (1656). En une seule année, l’église des jésuites compte parfois 1600 premiers communiants. Pour soutenir l’enseignement oral de la catéchèse, les jésuites anversois distribuent des livrets de catéchisme. Ceci conduit le père Willem de Pretere, en 1623, au célèbre Catéchisme de Malines.