Anvers, Églises et Tourisme
Pastorale du Tourisme, Diocèse d’Anvers (TOPA vzw)

Expositions - Archives

2004 - Rubens, tout sauf étranger

6 mars - 12 septembre 2004

L'église Saint-Paul :
Rubens, collegial

Table des matières

1637 > L’église St Paul

4 novembre 1637. Le prieur Michael Ophovius, avec qui P.P.  Rubens entretenait de bonnes relations, est enterré aujourd’hui. Rubens entre dans l’église des Dominicains par la grande porte, qui donne sur le Marché au Bétail. Rubens, le grand maître du baroque, a vu en quelque sorte grandir cette église gothique dont la construction a commencé en 1512. Le chœur a été achevé cinq ans auparavant. L’aménagement intérieur de l’église est en revanche tout à fait dans l’esprit de l’époque. La chaire est même une des premières dans le style baroque, avec quatre personnages soutenant la cuve. La nef, couverte d’un lambris en chêne est bordée de six confessionnaux qui sont fort employé car les Dominicains sont des confesseurs recherchés.

La renommée de l’église Saint-Paul doit beaucoup à la série de tableaux sur le thème des quinze mystères du rosaire, série à laquelle Rubens apporte son concours en 1617.Le couronnement d’épines d’Antoine de Bruyn et Le  portement de croix d’Antoine van Dyck flanquent La Madonna del Rosario du Caravage. Entre deux piliers au loin, il aperçoit L’adoration des bergers, une grande toile qu’il a peinte en 1611. Elle est à l’abri derrière la haute balustrade de la chapelle de Notre-Dame du Rosaire. L’enchaînement de ces tableaux aux couleurs vives irradie de chaleur, impression renforcée par les vitraux du côté sud, dessinés par son collègue Abraham van Diepenbeeck, qui filtrent la lumière. Aucun mur n’est laissé vide et même les espaces entre les vitraux sont occupés par de grands tableaux.

Le maître-autel avec sa Vision de saint Dominique est peu visible. Un jubé de style baroque avec ses deux autels latéraux cache la vue du chœur. Ophovius va être bientôt enterré dans la crypte sous le chœur. Qu’il repose en paix.

Aujourd’hui > L’église St Paul

Il est assez exceptionnel qu’à la fin du XVIIIe siècle cette église ait gardé pratiquement tout son mobilier d’origine. Les tableaux sont confisqués pendant l’Occupation Française (1794), le cloître est supprimé en 1796 et l’église est mise en vente. Le prieur des Dominicains de l’époque, Cornelis Jozef Peltiers, parvient à racheter l’église pour la somme de 320.000 livres. Les Dominicains sont pourtant chassés et l’église fermée. Grâce au concordat entre Napoléon et le Pape, l’église est officiellement réouverte en 1802. Un an plus tard, l’église Saint-Paul reprend les droits de l’église paroissiale disparue du bourg, Sainte-Walburge. La ville rachète l’église de Peltiers et en 1815, tous les tableaux à l’exception d’un sont remis à leur place dans l’église.

Rubens n’a jamais vu la plus grande partie du mobilier baroque, qui a été installé à la seconde moitié du XVIIe et au début du XVIIIe. Les confessionnaux datent de 1660, l’imposant maître-autel de 1670 et le clocher baroque de 1680. Il en va de même pour l’orgue et l’autel de Notre-Dame du Rosaire avec l’œuvre du Caravage, et pour l’autel du Doux Nom de Jésus, réalisé vers 1654-58 par Peter Verbruggen l’Ancien pour la Glorification de l’Eucharistie de Rubens. Quantité de sculptures sont également postérieures à Rubens: l’élégante épitaphe du Doux Nom (1644), la fine statue de sainte Rose de Lima (vers 1670), et les apôtres sur les piliers (vers 1720).

Les seuls éléments que reconnaîtrait Rubens, hormis l’œuvre du Caravage et deux de ses grands tableaux, sont la série des quinze mystères du rosaire et dans le chœur trois monuments funéraires, quelques-uns des saints dominicains entre les vitraux et les stalles du chœur. La chaire en baroque tardif est elle aussi conservée dans un certain sens puisque les huit panneaux de la cuve figurent maintenant                                                                   sur le nouvel autel dans la croisée du transept.

Thème > P.P. Rubens, le collègue

Vers 1617, la Confrérie de Notre-Dame du Rosaire décide de faire réaliser une impressionnante série de quinze tableaux pour la nef latérale nord de l’église des Dominicains. Chaque panneau doit être financé par un ou plusieurs membres de la confrérie. La commande est passée à onze des meilleurs peintres d’Anvers: Hendrik van Balen, Frans II Francken, Cornelis de Vos, Matthys Voet, David I Teniers, Pierre Paul Rubens, Antoon de Bruyn, Antoon van Dyck, Jacob Jordaens, Aernout Vinckenborgh et Jan Aertsen. Louis Clarisse, un des membres de la Confrérie, s’adresse à Rubens pour le tableau qu’il finance. Rubens ne dédaigne pas à participer à une telle entreprise de groupe et il aligne son prix sur celui de ses collègues. Tout comme Jordaens et le jeune Antoine van Dyck (18 ans), il touche 150 florins pour la Flagellation du Christ, alors qu’il est déjà célèbre à cette époque et gagne bien davantage ailleurs. C’est tout à l’honneur de Rubens de se montre aussi bon collègue dans ce projet, qui ne lui offre en effet pas l’occasion de briller comme le grand maître qu’il est. Il lui permet seulement de se manifester comme un des nombreux peintres anversois de talent de l’époque.

Il va se montrer collégial une fois de plus quelques années plus tard. En 1623 , il achète avec Jean Brueghel de Velours, Hendrik van Balen et quelques autres amateurs d’art La Madonna del Rosario du Caravage pour 1.800 florins et ‘par affection pour la Chapelle’ en fait don à la Confrérie de Notre-Dame du Rosaire.

P.P. Rubens a toujours entretenu de bons contacts avec ses collègues – peintres et sculpteurs – en raison en partie de la bonne organisation de son atelier, où il a formé de nombreux talents naissants. Il sera pour plusieurs d’entre eux témoin à leur mariage (Jan Wildens, David Teniers le jeune), parrain de leurs enfants (les fils de Jan Borrekens, Paul de Vos et Hans van Mildert) ou exécuteur testamentaire (Jean Brueghel de Velours). Un autre témoignage de la collégialité de Rubens est fourni par les portraits qu’il peints de ses collègues et de leur famille, comme l’intime Portrait de Jean Brueghel avec sa femme et deux enfants (Courtauld Institutes of Art, Londres). Son nom apparaît aussi fréquemment dans des commandes passées à un collectif d’artistes. Sa participation à la série des quinze mystères du rosaire ne constitue donc pas une exception à cet égard.

P.P. Rubens > La glorification de l’Eucharistie

Le sujet de ce tableau est la reconnaissance par les théologiens de la théorie de la transsubstantiation ou le changement du pain et du vin en corps et sang du Christ. Des saints, des moines et des hauts dignitaires religieux sont disposés en groupe symétrique autour d’un autel sur lequel est posé un ostensoir avec la Sainte Hostie. Au-dessus sont représentés Dieu le Père et le Saint-Esprit. Autour d’eux planent six putti; dans leurs mains, des livres ouverts sur des textes clairement lisibles traitant de la transsubstantiation.

Au premier plan se tiennent les quatre Pères latins de l’Eglise : à gauche les saints évêques Augustin et Ambroise portant la mitre, à droite le pape Grégoire le Grand et saint Jérôme. L’homme à la barbe plus longue est probablement saint Paul, le patron de l’église. Les quatre personnages qui discutent de l’eucharistie au second plan ne sont pas identifiables. A gauche de l’autel, est assis saint Thomas d’Aquin – avec un soleil sur la poitrine – et à ses côtés le pape Urbain IV, qui a instauré la Fête-Dieu. Derrière l’autel à gauche se tiennent saint Dominique et saint Bonaventure et à droite les évangélistes Matthieu, Luc et Jean. Mis à part quelques évêques qu’on ne peut identifier, nous reconnaissons encore sainte Julienne du Mont-Cornillon et Jean de Liège, qui posèrent les fondements de la Fête-Dieu au XIIIe siècle.

Le tableau est commandé par la Confrérie du Doux Nom de Jésus pour son autel. Un de ses éminents membres est Cornelis van der Geest. Peut-être a-t-il joué un rôle pour que la commande soit passée à Rubens.

L’apparence de l’autel sera profondément modifiée dans les années 1654-58 lorsque Peter Verbruggen l’Ancien construit un nouvel autel du Saint-Sacrement sur le modèle de l’autel du Rosaire. Le grand panneau change de format et les deux prédelles représentant Moïse et Aaron qui se trouvaient initialement sous le tableau sont supprimées. Le choix des deux personnages est basé sur l’Exodus 16:32-34: Moïse demande à Aaron de conserver la manne – le pain tombé du ciel – dans le tabernacle, ce qui préfigure l’eucharistie.

Le  tableau sera confisqué par les Français en 1794 et transféré à Paris. Il revient à Anvers en 1815, après une absence de 21 ans.

P.P. Rubens > L’adoration des bergers

Marie lève deux coins du linge pour montrer l’Enfant Jésus nouveau-né aux bergers qui s’empressent autour d’elle.

Rubens peint cette toile de grand format peu après son retour à Anvers. On ne connaît pas les circonstances précises de cette commande, mais sur une vue intérieure de l’église des Dominicains peinte en 1636 par Peeter Neeffs l’Ancien, la toile figure à sa place actuelle, dans la chapelle de la Confrérie de Notre-Dame du Rosaire.

Rubens reprend la composition de L’adoration des bergers qu’il a peinte en 1608 pour l’église des Oratoriens à Fermo. Tant le tableau en l’église Saint-Paul que celui de Fermo doivent beaucoup à La Notte du Corrège, un retable qui se trouvait au début du XVIIe siècle à Reggio Emilia et que Rubens a peut-être vue lors de son séjour en Italie. Dans les deux cas, il s’agit d’une scène nocturne sur laquelle le divin Enfant rayonne de lumière si bien que certaines parties des personnages, leurs visages et leurs mains notamment, sont éclairées alors que d’autres restent dans l’ombre. Le berger appuyé sur son bâton qui se protège les yeux de la lumière semble lui aussi être inspiré du Corrège. Le type de la vieille bergère édentée est utilisé par Rubens dans d’autres œuvres, comme sur le volet gauche de L’érection de la croix, maintenant à la cathédrale Notre-Dame, et sur le  Samson et Dalila qui appartenait à Rockox.

Le tableau est confisqué par les Français en 1794 et transféré à la basilique de Notre-Dame à Saint-Cloud, près de Versailles. Il sera restitué en 1815.

P.P. Rubens > La flagellation du Christ

La flagellation du Christ est le septième tableau dans la série des quinze Mystères du Rosaire, un cycle qui est commandée vers 1617 pour la nef nord de l’église des Dominicains. Les quinze mystères se succèdent d’ouest en est :

  • d’abord les cinq mystères joyeux:
    • l’annonce faite à Marie,
    • la visite de Marie à Elisabeth,
    • la naissance de Jésus,
    • la présentation de Jésus au temple,
    • Jésus retrouvé au temple;
  • puis les cinq mystères douloureux:
    • l’agonie au Jardin des Oliviers,
    • la flagellation,
    • le couronnement d’épines,
    • le portement de croix,
    • la crucifixion;
  • et enfin les cinq mystères glorieux:
    • la résurrection du Christ,
    • l’ascension du Christ,
    • la descente du Saint-Esprit sur Marie et les apôtres,
    • l’assomption de Marie
    • le couronnement de Marie.

Attaché à un pilier, Jésus est fouetté jusqu’au sang par trois bourreaux. Un Maure pose son pied contre le mollet du Christ pour le faire trébucher. Un quatrième homme contemple la scène en grimaçant.

Onze des meilleurs peintres anversois de l’époque participent à la réalisation de la série, dont Jacob Jordaens, Antoine van Dyck et Pierre Paul Rubens. Les commanditaires sont des membres de la Confrérie de Notre-Dame du Rosaire, qui s’acquittent individuellement ou à plusieurs du paiement d’un tableau. Rubens est ainsi payé par le marchand Louis Clarisse, qui offre 150 florins pour le tableau. L’instigateur du cycle est probablement le père Joannes Boucquet, à l’époque prieur du couvent. C’est également lui qui fonde des Confréries du Rosaire, à Lierre en 1605 et à Malines en 1616.

La Confrérie du Rosaire a été fondée par les Dominicains anversois à l’occasion de la bataille navale de Lépante, où la flotte catholique hispano-vénitienne a remporté le 7 octobre 1571 une importante victoire sur les Turcs. Cette victoire fut attribuée à la prière du rosaire, à l’instigation du pape dominicain Pie V (1504-1572). La vénération de Notre-Dame du Rosaire, propagée de tous temps par les Dominicains, est destinée à donner une nouvelle impulsion à la Contre-Réforme.

La confrérie existe toujours quatre siècles plus tard et a offert depuis sa fondation plusieurs œuvres d’art à l’église Saint-Paul, dont quatre toiles sur la bataille de Lépante par Jan Peeters en 1671 et quatre vitraux par Marc de Groot en 1971.

Le tableau est transféré à Paris en 1794 et ne retrouve sa place en l’église Saint-Paul, devenue depuis église paroissiale, qu’en 1816. Les quinze tableaux se trouvent depuis à leur place initiale.

P.P. Rubens > La vision de saint Dominique

D’après sa biographie saint Dominique aurait eu une vision du Christ en colère avec trois éclairs dans la main avec lesquels il menaçait de foudroyer les pécheurs. Marie serait tombée à ses pieds, le suppliant de sauver le monde en invoquant l’apostolat des saints Dominique et François. L’histoire fut transcrite par Gerardus de Fracheto, dominicain et contemporain de Dominique.

Tout en haut, le Christ courroucé s’apprête à lancer ses éclairs sur terre. Marie tente de le retenir. A droite, sont représentées les deux autres figures de la Sainte Trinité : Dieu le Père et le Saint-Esprit. Dans le registre inférieur du tableau, saint François et saint Dominique protègent de leurs mains le globe terrestre, sur lequel s’enroule un serpent, symbole du mal. Quelques saints les assistent, parmi lesquels on reconnaît sainte Catherine, agenouillée près d’une roue, l’évêque mitré saint Théodose, saint Georges cuirassé, sainte Marie Madeleine affligée, la main sur la poitrine, saint Sébastien et tout au fond sainte Cécile, jouant de l’orgue.

Le tableau figurait initialement sur le maître-autel de l’église des Dominicains d’Anvers. Les travaux au chœur débutent en 1618 et c’est probablement la même année que les pères commandent le tableau chez Rubens. Peter Verbruggen l’Ancien construit un nouvel autel en 1670 et on arrondit le retable en y ajoutant une pièce d’environ 50 cm en hauteur.

Rubens utilisera ultérieurement la même composition pour le retable des Franciscains à Gand, mais en excluant saint Dominique. Cette toile réalisée dans les années 30 du XVIIe siècle est actuellement conservé aux Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique à Bruxelles.

Le retable est confisqué et transféré à Paris en 1794 et est donné au musée de Lyon en 1881. Il ne sera jamais restitué à l’église Saint-Paul.

P.P. Rubens > Son ami-prêtre Ophovius

Michel van Ophoven (1571-1637) appelé aussi Michael Ophovius, est un des principaux défenseurs de la Contre-Réforme. Il fut à quatre reprise prieur des Dominicains à Anvers. Sur l’intercession de l’archiduchesse Isabella, il devient évêque de Bois-Le-Duc en 1626, un siège qu’il n’occupera que quatre ans puisque la ville est conquise en 1629 par les troupes de la République des Pays-Bas Réunis.

Rubens et Ophovius entretiennent de bonnes relations, à en juger par une lettre du peintre et quelques passages du journal de l’ecclésiastique. Il en a souvent été déduit que Ophovius était le confesseur de Rubens, mais il n’existe aucun élément irréfutable pour l’affirmer. Rubens fait le portrait d’Ophovius entre 1617 et 1619 dans sa fonction de prieur des Dominicains d’Anvers. Il porte sur le spectateur un regard amical, comme s’il voulait s’adresser à lui. Cette pose évoque incontestablement la tâche première des Dominicains, le prêche. Il y a plusieurs versions de ce portrait. Une réplique est exposée à la Maison Rubens.

Le monument funéraire d’Ophovius est érigé dans le chœur au-dessus de la crypte, à gauche du maître-autel. Michael Ophovius est agenouillé devant une Madone avec Enfant. Marie, assise sur un siège baroque, soutient l’Enfant Jésus, debout sur ses genoux. L’Enfant bénit Ophovius Michael de la main droite. Le tout est placé devant une niche architecturale au fronton entrecoupé. Le putto surplombant la torche renversée symbolise la mort.

La conception du monument est généralement attribuée à Rubens. Ophovius écrit dans son journal à la date du 4 février 1631 : ‘Je suis allé chez le sieur Rubens pour régler un enterrement’. Il n’est pas clair si cette phrase concerne son monument funéraire. On remarquera toutefois que les traits de la statue d’Ophovius sont nettement ressemblants au portrait de l’évêque dessiné par Rubens qui se trouve au Louvre, alors que le geste de la main droite rappelle le portrait peint par Rubens d’Ophovius en dominicain.

L’exécution du monument funéraire fut sans doute confiée à Hans van Mildert, qui a réalisé vers 1620 le monument funéraire de l’évêque Masius, prédécesseur d’Ophovius à Bois-Le-Duc. Van Mildert utilisa la même composition en 1631 pour le monument de Waltman en l’église abbatiale de Saint-Michel à Anvers ; cet abbé du XIIe siècle est agenouillé devant une Madone assise avec Enfant.

Le Caravage > La Madonna Del Rosario

Selon une tradition datant du XVe siècle, saint Dominique aurait reçu le Rosaire directement des mains de la Sainte Vierge. L’événement était associé à son combat contre l’hérésie, un sujet tout à fait approprié pour l’ordre des Dominicains qui prêche la Contre-Réforme.

La Madonna del Rosario du Caravage n’était initialement pas destinée à Anvers. Elle avait été peinte par le maître italien vers 1606-07, pour une église de Naples probablement.

La composition du tableau témoigne d’une hiérarchie ascendante équilibrée, plutôt inhabituel pour le Caravage. Au premier plan, s’est formé un groupe de suppliants, parmi lesquels le commanditaire, l’homme au col blanc à gauche. Il regarde le spectateur tout en tendant la main vers le manteau de saint Dominique. Il est quelquefois identifié comme Marzio Colonna, duc de Zagarolo, d’où la colonne dans le tableau qui évoque son nom. Ensuite il y a les prêtres. A gauche, saint Dominique, vêtu de l’habit noir et blanc des Dominicains, tenant dans la main le Rosaire que la Sainte Vierge vient de lui remettre. A droite, se tient le martyre dominicain saint Pierre. La Madone avec Enfant, enfin, trône au-dessus des autres personnages. Il s’agit probablement d’une vision, bien qu’il y ait peu d’éléments pour le suggérer : il n’y a pas de nuages, pas d’angelots, par de division claire entre le monde céleste et le monde terrestre.

Grâce à l’intervention de P.P. Rubens, ses collègues et artistes Jan I Brueghel et Hendrik van Baelen et du marchand amateur d’art Jan Baptist Cooymans, le chef d’œuvre est acheté entre 1617 et 1625 pour la somme de 1.800 florins et offert à la Confrérie du Rosaire. Rubens a toujours été un grand admirateur du Caravage. Lorsque la Mort de la Sainte Vierge Marie du Caravage est refusée par les pères de Santa Maria della Scala à Rome, qui jugent le tableau irrespectueux, Rubens parvient à faire acheter le tableau par un de ses anciens commanditaires, le Duc de Mantoue. Il n’est donc pas étonnant que Rubens ait aussi prêté son concours collégial pour que la Madonna del Rosario du Caravage aboutisse à Anvers.

Le tableau fut initialement accroché dans la nef latérale nord, entre le 8e et le 9e des 15 Mystères du Rosaire, comme le laisse voir l’intérieur de l’église peint en 1636 par Peeter I Neefs. Vers 1650, cette grand œuvre trouve toutefois une place plus appropriée au-dessus du nouvel autel du Rosaire, contre le mur est du transept nord. En 1781, le tableau fut offert à l’empereur Joseph II, qui l’expédia à Vienne, où il se trouve toujours, au Kunsthistorisches Museum. Il fut remplacé par une copie fidèle réalisée par Andreas Bernard de Quertenmont entre 1781 et 1786.

P.P. Rubens > Son ami-médecin personnel Marcquis

Rubens est confronté toute sa vie à la maladie et à la mort. Son aînée, Clara Serena, meurt en octobre 1623 âgée de 12 ans à peine. Trois ans plus tard, le 20 juin 1626, il perd son épouse chérie, Isabella Brant. Elle meurt probablement de la peste, car sur les quatre médecins qui l’ont soignée, c’est le célèbre médecin des pestiférés Lazarus Marcquis qui touche les plus gros honoraires.

Quelques mois après le décès d’Isabella Brant, Rubens est victime d’une première attaque de goutte, un mal qui le poursuivra toute sa vie et affectera même ses mains. Fin 1638, son état est si grave qu’il reçoit les derniers sacrements. Il survit à la crise, mais un an plus tard, sa mort paraît inévitable. La paralysie de sa main en avril 1640 en est un signe alarmant. Son ami et médecin Lazarus Marcquis est à ses côtés pendant ses dernières heures et Rubens meurt le 30 mai à l’âge de 63 ans.

Lazarus Marcquis (1574-1647) est né à Anvers. Ce fils d’un diamantaire wallon a fait ses humanités au collège des jésuites d’Anvers, puis a étudié la médecine aux universités de Louvain et de Padoue. Il va devenir un célèbre spécialiste de la peste et un professeur de renom. Il parle six langues – néerlandais, français, italien, espagnol, latin et grec – et a aussi une bonne connaissance de la philosophie et de l’histoire. Il est avec quelques collègues l’instaurateur du Collegium Medicum, ancêtre de l’Ordre des Médecins. Ses publications sur la peste rédigées en néerlandais parce que destinées au grand public sont largement diffusées. Il ne cesse de faire valoir auprès du magistrat municipal l’importance de la prévention et de l’hygiène dans la lutte contre le fléau. Il participe régulièrement à des discussions savantes dans la maison de Rubens en compagnie d’autres érudits, dont Rockox, Gevartius et Nonnius. C’est ainsi qu’il devient le médecin personnel et l’ami du peintre.

Lazarus Marcquis est aussi pendant trente ans le médecin des Dominicains d’Anvers. Son fils, Godefridus Marcquis entre chez les Dominicains d’Anvers, devient prieur du couvent, puis provincial de l’ordre. Lazarus Marcquis est enterré dans l’église dominicaine en 1647, du côté nord-est du chœur. Sa dalle funéraire y figure toujours.